Étapes initiales

L’avortement par médicaments (AM) virtuel ou hybride, également appelé sans contact ou à faible contact, est une formule dans laquelle certains ou tous les rendez-vous sont effectués virtuellement par téléphone et/ou vidéo en réduisant ou en éliminant les analyses sanguines et les échographies. L’objectif est de réduire le risque pour les personnes de contracter des infections transmissibles (comme dans le cas du COVID-19) ou de réduire la distance à parcourir ou des délais avant d’avoir accès à l’avortement.

Comme expliqué précédement, les soins virtuels et hybrides de l’AM peuvent être offerts dans un contexte de ressources limitées et nécessitent un équilibre entre l'expérience du prescripteur, la sécurité de la personne et ses besoins.

Lorsqu’ils reçoivent des demandes d’avortement par médicaments virtuel ou hybride, les prescripteurs doivent[7]:

  1. Confirmer l'identité de la personne et s'assurer qu’elle peut discuter de façon confidentielle et en sécurité.
  2. Fournir des informations écrites sur l’avortement par médicaments et l’avortement par instruments avant la consultation.
  3. Demander de passer un test de grossesse urinaire de pharmacie.
  4. Planifier une première visite virtuelle par téléphone ou vidéo.

Évaluation virtuelle

Les évaluations suivantes doivent être réalisées[7,19]:

  1. Revoir le counseling sur les options de grossesse.
  2. Confirmer la grossesse et établir l'âge gestationnel.
    • Questionner la date des dernières menstruations (DDM) et la date du test de grossesse qualitatif positif.
    • Questionner les antécédents médicaux pertinents, y compris la contraception hormonale récente et les facteurs de risque et signes de grossesse ectopique.
  3. Exclure les contre-indications.
  4. Évaluer la nécessité d'une échographie pour déterminer l'âge gestationnel et la localisation de la grossesse[5]:
    • Selon le protocole de la SOGC sur l'avortement par médicaments via télémédecine, une échographie doit être obtenue si la date des dernières menstruations (DDM) est incertaine, si la DDM dépasse 70 jours et si les signes, symptômes ou facteurs de risque de grossesse ectopique (GE) sont présents.
    • L'avortement par médicaments réalisé en l’absence d’échographie est, par définition, une grossesse de localisation indéterminée (GLI) et doit être géré en conséquence. Bien que le risque de GE non détectée soit faible, une surveillance étroite est nécessaire pour s’assurer que l'avortement est complet.
  5. Déterminer la nécessité d'analyses sanguines pour mesurer l'hémoglobine[7]:
    • Selon Santé Canada, l'hémoglobine doit être supérieure à 9,5 g / dL avant de commencer l'AM.
    • Dépister les personnes à risque accru d'anémie via les antécédents médicaux détaillés.
    • Si l’on soupçonne un risque accru d’anémie, une formule sanguine complète est indiquée. Sinon, la mesure de l'hémoglobine n'est pas nécessaire.
  6. Évaluer la nécessité d'analyses sanguines pour déterminer le facteur Rhésus (Rh)[7]:
    • Comme expliqué précédement, les lignes directrices sur le facteur Rh ont été mises à jour et varient d'une organisation à l'autre.
    • La SOGC recommande la vérification et l'administration des immunoglobulines humaines anti-Rho pour les personnes dont la DDM dépasse 7 semaines. La SOGC conseille également de réserver l’administration lorsque la DDM dépassait 10 semaines pendant la pandémie de COVID-19.
    • La Fédération Nationale de l'Avortement (NAF), Society of Family Planning et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommandent toutes le dépistage et l'administration des immunoglobulines humaines anti-Rho lorsque la DDM dépasse 12 semaines de gestation.
  7. Évaluer la nécessité de tester les ITSS[7]:
    • Proposer un dépistage de la chlamydia et de la gonorrhée lorsque la visite est en présentiel.
    • Sinon, évaluer le risque d’ITSS et envisager un test à distance si des facteurs de risque sont présents, et discuter de la nécessité potentielle d'un traitement antibiotique.

Consentement éclairé

Une fois que la personne et le professionnel de la santé ont déterminé que l’avortement par médicaments (AM) est la bonne option, le professionnel de la santé devrait[2,6,7,10]:

  1. Obtenir un consentement éclairé écrit ou verbal (voir exemples sur la plateforme CAPS-CPCA et le Bay Center for Birth Control) et le documenter dans le dossier de la personne.
  2. Prescrire:
    • Mifépristone 200 mg (MIFÉ) par voie orale et misoprostol 800 mcg (MISO) par voie buccale ou vaginale (cette combinaison est commercialisée et marquée sous le nom de Mifégymiso).
    • Dose supplémentaire de MISO par voie buccale ou vaginale en cas d'avortement incomplet.
    • Analgésiques et antiémétiques selon le protocole du professionnel de la santé ou de l’établissement.
    • Antibioprophylaxie, si nécessaire, selon le protocole du professionnel de la santé ou de l’établissement.
  3. Fournir des instructions sur la façon de prendre le médicament.
  4. S'assurer que les personnes savent comment gérer les effets secondaires ainsi que quand et où consulter en cas de complications.
  5. Envisager d'informer les personnes si la procédure d'AM implique des pratiques hors normes mais fondées sur des preuves.
    • Une grande partie des pratiques hors normes d’AM sont basées sur une faible quantité de ressources et nécessite un équilibre entre l’expérience des professionnels de la santé et la sécurité et les besoins des personnes qui ont recours à un avortement.
    • Il est recommandé d'informer les personnes des pratiques hors normes afin de comprendre les risques associés et savoir que ces pratiques hors normes peuvent varier en fonction de l'expérience et du niveau de confort des prescripteurs.
  6. Discuter des options de contraception après un avortement. Souligner le fait que les personnes peuvent rapidement retrouver leur fertilité après un avortement.
  7. Planifier des rendez-vous de suivi, soit en personne, soit par téléphone/vidéo. Discuter d’un plan de sécurité ou de confidentialité si nécessaire.
  8. Fournir aux personnes des manuels d’instructions (voir des exemples: SHORE center et Planned Parenthood Ottawa) ainsi que les coordonnées des professionnels de santé et des services de santé d’urgence.
  9. Prendre note des numéros de téléphone et des contacts d’urgence fournis en lien avec l’AM par la personne au cas où les professionnels de la santé ne seraient pas en mesure de la joindre directement. Se rappeler que les contacts d'urgence fournis par les personnes lors de leurs visites d'AM peuvent être différents des contacts d'urgence figurant dans le dossier. Veiller à ne contacter aucune autre personne sans son consentement explicite en lien avec l’AM.

Suivi

Le rendez-vous de suivi devrait être planifié de 3 à 7 jours après la prise du misoprostol (MISO), et il peut être nécessaire de prévoir plusieurs rendez-vous de suivi. Le protocole de La SOGC pour l’avortement par médicaments via télémédecine recommande 7 jours[7], mais certains prescripteurs fixent le rendez-vous de suivi dès 3 jours après l'administration du MISO), afin d’éviter toute perte de contact et d’évaluer le taux de βhCG sérique. Les pratiques réelles dépendent du jugement et de l’expérience des prescripteurs.

Lors du suivi virtuel, les prescripteurs doivent[7]:

  1. Questionner le déroulement de l'avortement y compris les dates de prise des médicaments, les effets secondaires, la description des saignements, la douleur, le moment d'expulsion des produits de conception, et tout symptôme indiquant une grossesse évolutive.
  2. Recommander une visite d'urgence en cas de signes de grossesse ectopique, d'infection pelvienne, de saignements abondants ou de douleur excessive.
  3. Si l’histoire suggère un échec d’avortement ou une grossesse évolutive envisager une dose supplémentaire de MISO ou un avortement par instruments: obtenir une échographie
  4. Si l’histoire suggère un avortement réussi sans signe d’alerte ni symptôme de grossesse évolutive ainsi que des saignements et des douleurs normaux: organiser les analyses de sang pour confirmer le taux de βhCG sérique si le rendez-vous est en personne, sinon demander à la personne d'effectuer un test de grossesse urinaire qualitatif.

    βhCG sérique[4]: Si le taux de βhCG sérique chute de > 50 % au jour 3 après la mifépristone ou de 80 % aux jours 7 à 14 après l'administration de la mifépristone / misoprostol, l'avortement est complet et aucun autre rendez-vous n'est nécessaire. Une échographie devrait être demandée si 14 jours se sont écoulés et qu'une diminution de 80 % n'a pas été atteinte.

    βhCG urinaire[7]:

  5. Proposer de discuter des options de contraception et de fournir un soutien émotionnel si nécessaire. Les ressources de soutien émotionnel comprennent:
    • Exhale, une ligne téléphonique qui fournit un soutien émotionnel, des ressources et de l’information après un avortement.
    • All-Options, une ligne de discussion des expériences passées ou actuelles en matière d'avortement, d'adoption et de parentalité pour les personnes au Canada et aux États-Unis (1-888-493-0092).